La Femme japonaise.

la-femme-japonaise-e1534882911678.jpgBleue dans le bleu, la tête inclinée vers la mer, son regard plongeant vers les flots à la recherche de quelque image à imprimer dans sa mémoire déjà si fournie. Une de plus, c’est précieux, pour ses vieux jours dans son fauteuil en osier blanchi par le temps, elle n’aura plus que sa tête pour parcourir à nouveau sa vie et le monde. Déjà elle y pense et pourtant elle est encore jeune. Mais elle courbe le dos, vaincue par le fil du temps qui passe et qui laisse derrière lui joies, peines, plaisirs, regrets ou remords.

Tout à sa quête, elle n’a pas remarqué l’étoile de mer posée sur sa tête. L’étoile croqueuse de souvenirs. Elle s’est installée, elle scanne méthodiquement chaque recoin et elle aspire tout ce qui lui plait… Mai 54, petite fille en robe blanche qui court après les pétales des cerisiers. Septembre 73, adolescente, uniforme de lycéenne, exercices de réveil matinal face au soleil levant. Printemps 85, premier amour, premier voyage, à 100 km du domicile familial. Belle aventure, jamais elle n’aurait cru aller aussi loin. Et puis les années filent, les enfants qui naissent, grandissent, les maladies, les départs, les parents qui vieillissent puis la hissent sans son accord au statut d’aïeule. Partis trop tôt, victimes tardives d’une guerre trop cruelle. Puis de nouveau la vie à deux, la routine qu’elle piétine, toujours à deux, mais partout. Face à la Tour Eiffel, à Hollywood, Sunset Boulevard, Grand Canyon, London Bridge, Acropole, Colisée, Monument Valley Grande barrière de corail, Galápagos, Moeraki…

La belle étoile a fait son œuvre. Elle a tout croqué, plus un souvenir dans cette mémoire, mais à la place un océan de sensations, bien plus belles que la plus belle image du monde. Parce qu’en glissant au fond d’elle-même, à chaque instant, cette femme saura qu’elle est vivante, elle ressentira le frisson du plaisir, la douceur de l’amour, la caresse de la tristesse, la douleur de la perte, la joie des retrouvailles, l’éblouissement de la beauté, la force de l’énergie.

Chère femme japonaise, te voilà riche de la vie.