Imaginer un chat, sans brider votre imagination //
Un chat noir indépendant, compagnon d’un ermite. Ils confrontent leurs solitudes au clair de lune, dans des débats sans fin. Ils se quittent pour vivre chacun de leur côté pendant de longues semaines après s’être mis d’accord sur des thèmes de découvertes. Ils se sont donnés pour challenge de faire le tour de l’humanité en 80 ans.
Raconter ce que vit votre chat
Mon ermite et moi on s’est quitté ce matin, après quelques jours de cohabitation. J’ai la tête et le ventre pleins. Pour la prochaine lune, nous nous retrouverons. Nous aurons découvert ce qui nous dégoûte le plus, ce qui nous fait vraiment horreur.
En avant l’exploration. Première étape, l’eau. A-t-on déjà vu pire élément ? Ça vient vous envahir et vous infiltrer au point de vous asphyxier et de vous faire disparaitre du museau de vos congénères. Plus d’odeur ! Vous ne sentez plus rien. Avez-vous déjà fait cette expérience de ne plus exister ? Et là, je viens de trouver pire l l’océan ! En plus de vous retirer votre identité, quand vous êtes dedans, ça vous secoue au point de vous faire oublier comment vous vous appelez… disparaître à soi-même ! Et quand vous réussissez enfin à vous en échapper, vous n’êtes plus qu’une boule collante, tellement salée, que la bouche vous brûle à chaque nouveau coup de langue. L’océan n’est vraiment qu’un élément malfaisant destiné à protéger ces idiots de poissons pour m’empêcher de m’en régaler. Mon ermite, je suis certain que tu seras d’accord avec moi pour une fois…
J’insiste un peu sur l’océan, mais le pire dans tout ça, c’est que j’ai dû me rejeter à l’eau pour retrouver une apparence acceptable. Et il m’a fallu encore plusieurs jours pour retrouver ma bonne vieille odeur de chat.
Je continue ma route. Trouver ce que j’aime est tellement plus simple. Me laisser vivre et jouir tranquillement du soleil qui me chauffe installé sur le mur en pierre qui entoure le château.
Tiens, voilà la châtelaine. Tout de chantilly rose vêtue. Elle s’approche, elle couine des propos stupides, me prend dans ses bras. Me chatouille… nom de nom, ça va pas ! Je la léchouille moi sous les bras ? Mais pour qui elle se prend ? Son effluve sucrée me soulève le cœur et je tente de m’arracher à ses mains baladeuses mais elle insiste la vicieuse. Alors, je me calme pour poursuivre l’exercice, puisqu’il s’agit bien de trouver le pire de ma vie de chat. Et me voilà embarqué pour des jours et des jours de câlineries toujours plus insistantes, de flatteries sans fondement, de croquettes incessantes toujours plus sophistiquées et toujours plus écœurantes, de coussins mous qui me donnent le mal de mer, de festivals de têtes nouvelles, et de papouilles dans tous les sens.
Je n’en peux plus, j’en n’en veux plus, je rentre retrouver mon ermite.
Qu’est-ce qui peut bien dégoûter un homme, je n’en sais rien, peut-être les mêmes choses que le chat ? Vivement nos retrouvailles. Plus que quelques minutes et je saurai…
Atelier d’écriture du samedi matin : Au fil des mots et des couleurs