Chaleurs 

Ciel d'étéNuit d’été dans le Vercors. La lourde chaleur de la journée était tombée. C’était en plein milieu d’août. La nuit était déjà bien noire Le conserves de légumes trônaient sur la table de la cuisine, prêtes à s’aligner sur les étagères de la cave, au garde-à-vous, en attendant le jour où leur pétillante acidité viendrait réveiller nos papilles endormies par les fades soupes de l’hiver.

Le parfum de leur lente cuisson flottait dans l’air, se mêlant à celle de la bassine de confiture qui glougloutait encore doucement. Nous étions assis sur la terrasse autour d’un verre de Viognier, nous laissant envoûter par l’originalité capiteuse de ce cépage unique. Nous attendions patiemment le moment de la mise en pot, opération brûlante dont nos mains échappaient rarement indemnes, piquées de gouttes incandescentes qui irradiaient jusqu’à nos avant-bras.

Lentement la température extérieure baissait ; nos corps brûlants frissonnaient, se rafraîchissant par la caresse d’une légère brise parfumée. Une vague odeur de fumée vint troubler notre pause béate. C’est en levant les yeux par hasard, cherchant vers les étoiles l’inspiration d’une démonstration, que tu aperçus cette grosse lune rouge, pleine, rayonnante et presque menaçante. Était-ce le signe de la fin du monde ?  Était-ce le vin que nous avions trop bu qui faisait délirer nos esprits en peine d’émotions ? Notre devoir était accompli, les conserves étaient prêtes, il était peut-être temps de nous enfoncer dans la nuit pour rejoindre nos ancêtres. Ou pour partir à la recherche du sens.

Inquiets, nous nous sommes couchés. Nous avons dormi d’un sommeil de plomb. Celui qui peut laisser passer la faucheuse sans broncher. Au matin nous étions toujours quatre. Déçus et soulagés d’encore exister.

 

Et la consigne était : Choisir un souvenir d’été heureux, le faire vivre du côté de la mémoire sensorielle.

Atelier d’écriture du samedi matin : Au fil des mots et des couleurs