
Suractivité, ça bosse, ça bosse, ça bouillonne, tout de suite réagir, ne pas se laisser happer par la désespérance, apporter du secours même sans recours, ne pas tomber rester debout ou se relever, ils sont sidérés, mais notre terre n’en est pas à son coup d’essai, ça lui est déjà arrivé de vouloir se débarrasser des parasites qui l’envahissaient, il y a ceux qui n’ont pas résisté, les dinosaures, ces moucherons fragilisés, et ceux qui sont restés et se sont transformés, merci le crocodile de nous laisser imaginer qu’un vestige de l’ancien temps peut toujours perdurer, avec une grande queue, avec de grandes dents, merci le poisson encore inconnu, réfugié tout au fond de l’océan pour ne pas s’étouffer des déchets de notre société, et même merci le vers de terre à des mètres sous le sol, creusant toujours plus profond pour échapper à notre chimie survoltée, toutes ces bestioles qui grouillent et qu’on ignore, toutes ces fleurs qui reprennent leurs droits en envahissant les moindres interstices, donnant à l’humanité interloquée l’occasion de se découvrir perdant le pouvoir, incapable de le rattraper, c’est à la fois tant mieux et terrifiant, laissant échapper toute once de rationalité, s’angoissant pour une poignée de porte effleurée, se lamentant pour une liberté entravée, fustigeant les grands qui ne sont définitivement pas les héros fantasmés, honnissant chaque décision envisagée, moquant chaque hésitation balbutiée, critiquant chaque avancée proposée, se couchant chaque soir gavée, enivrée, satisfaite de n’avoir rien fait, effrayée de devoir un jour retravailler, réclamant incessamment de consommer, mais juste si le voisin accepte d’aller se contaminer pour remplir le panier, pendant qu’à l’orée de chaque soir, on se tâte, aurons-nous la flamme ou la flemme d’applaudir, après tout pourquoi applaudir maintenant alors que c’était avant qu’ils avaient tant besoin de nos voix, de nos hurlements, dans la rue pour sauver leur aptitude à tenir leur serment, alors applaudissons à ce que chacun veut mais applaudissons pour maintenir notre corps en mouvement, se lever du canapé, agiter les bras, voilà bien quelques calories qui ne s’installeront pas, c’est toujours mieux qu’encore une fois baisser les bras, mais encore une fois, certains prennent les armes et d’autres pas, laissant les plus faibles sur le bas-côté ou peut-être pas, augmenter les inégalités ou les déplacer, renforcer les individualités ou découvrir la solidarité, se laisser couler ou se réinventer, accepter la course dans le noir ou attendre que la lumière se rallume, voler de ses propres ailes ou se laisser porter, chercher madame soleil désespérément ou apprivoiser un par un les nuages, se laisser mourir tout doucement ou jubiler de tant de retournements, se révolter d’être manipulé ou jouir de tant de liberté, paradoxe du plaisir coupable, paradoxe de la force faible, paradoxe de la vie interdite qui continue, paradoxe du quotidien.
Et la consigne était : « Les marqueurs d’une époque ». Celle que nous vivons depuis le 16 mars, en prenant la forme d’une longue phrase. L’utilisation du « je » est proscrite.
Atelier d’écriture du samedi matin : Au fil des mots et des couleurs