
Fâchée. Un petit mot merveilleux qui respire l’enfance, les genoux troués, les poux à répétition, les malabars collés dans les boucles, le si joli vase en mille morceaux. Et la cour de récréation hurlante, les bonnes copines qui un instant se tiennent par la main pour une déclaration d’amour immortelle et quelques instants plus tard ne se parlent plus pour la vie. « T’es plus ma copine, t’es trop méchante. Tu as dit que j’avais tout faux et d’abord c’est même pas vrai !». La fâchée s’excluant d’elle-même, partant bouder à l’autre but de la cour. Elle jette quand même des petits coup d’œil par-dessus son épaule au cas où l’une des chipies chercherait à la rejoindre, mais non, pas vraiment. Il va falloir qu’elle trouve une solution. C’est long toute une récré fâchée. Finalement, elle fait volte-face et se plante dressée face à l’ennemie, les bras croisés, le menton relevé. « Alors, tu dis rien hein ? J’ai raison, je l’savais bien. D’ailleurs, Sonia, elle dit pareil que moi. Tu sais pourquoi elle est malade Sonia ? C’est rien que de ta faute. C’est ma mère qui me l’a dit. Elle a parlé avec sa mère au téléphone hier soir, j’ai tout entendu. Sonia, elle veut plus venir à l’école parce que t’es trop méchante avec elle. T’as fait exprès de faire tomber son stylo bleu pour qu’elle soit obligée de le ramasser et qu’elle puisse pas lever la main et répondre à la maitresse. » « C’est pas vrai, c’est toi la méchante ». Et en voilà deux de fâchées, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la journée. Une vraie cascade de dominos.
Il est 17h30, les deux mamans des deux pires ennemies papotent gentiment sur le trottoir, s’extasiant sur les milles talents de leurs chères petites coquines, surtout ne pas avouer que chacune déverse sa hargne sur l’autre en mordant à pleine dent dans son gouter dès qu’elles se retrouvent dans le cocon de la maison, dénonçant sa rivale de tous les méfaits possibles ayant menés dans la journée à une punition, un nouvel accroc, un trait de crayon sur un pull, ou même une mauvaise note. « Tu comprends, elle me déconcentre tout le temps elle n’arrête pas de me tirer les cheveux et de montrer ma culotte aux garçons ». La litanie des méfaits est interminable, maman a mal à la tête, elle aussi a sa journée de travail derrière elle et la voix lancinante de la gamine commence à lui mettre les nerfs en pelote. « Maman, maman, mamananananananan, tu m’écoutes mamananananananan ? T’es méchante maman ! » Et vlan, la gifle est partie. Une maman fâchée, une !
Confinement numéro trois, dans l’intimité de nos états
Epanouie – Grognon – Captivée – Touchée – Attentive – Reconnaissante – Emue – Pleine de rancœur – Sereine
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