
Magie du Airbnb. En perspective, un charmant week-end parisien dans une cour secrète et arborée du XXème arrondissement. C’est un long pont du printemps, les habitants du quartier ont fui la ville. Quel calme. Dans le tilleul devant la fenêtre ouverte en rez-de-chaussée, les moineaux s’égosillent ; même le roucoulement du pigeon parait délicieux.
La soirée est bien entamée, la bouteille de vin, elle, est terminée. C’est le bon moment pour aller nous coucher. Nous avions besoin de nous retrouver, ce lieu magique nous invite à nous décontracter. Je file dans la salle de bain, je sais que le parfum de ma crème de soin lui fait perdre la tête. Et si j’en étalais entre mes deux seins ? et dans le creux de mes reins ?
« Salope » Un hurlement vient m’arracher à ma rêverie. « Salope, ramène-toi ici ». Je n’en reviens pas. Il était sorti fumer une dernière cigarette avant de me rejoindre sous la couette, et il revient en hurlant ! En hurlant « salope » !!! Si c’est une plaisanterie, ce n’est vraiment pas drôle. Et cette voix ? Depuis 12 ans que nous sommes ensemble, je ne l’ai jamais entendue une seule fois. C’est vrai, je me suis parfois dit qu’il était un peu nerveux, mais jamais je n’ai entendu cette violence et ce mépris. Et je suis là, coincée dans cette salle de bain minuscule, avec une fenêtre à barreaux, dans un appartement inconnu et cette cour déserte. Et mon téléphone que j’ai laissé sur le canapé. « Salope, qu’est-ce que t’attends ? Faut qu’j’vienne te chercher ? ». Et voilà maintenant que ça cogne, des bruits sourds. Et tout d’un coup, un grand fracas, comme s’il avait fait s’écrouler l’immense bibliothèque de l’autre côté de la cloison. Mais il est devenu fou ?
Je panique. Je me retiens de hurler. Surtout, me contrôler. Comment ai-je pu ne me rendre compte de rien ? Aucun signe avant-coureur de cette fureur. Le temps d’une clope et le voilà complètement cinglé. Il faut que je me douche, vite, que j’enlève cette odeur sur moi qui le déchaine. Je dois sortir de cette salle de bain, mais d’abord réfléchir, gagner du temps. Il est surement là, tapi derrière la porte, prêt à me sauter dessus. A moins qu’il ne soit mort ? Enseveli sous les livres de la bibliothèque ? Je ne l’entends plus.
Je fais couler l’eau. Tant qu’il ne dit rien, tout va bien. Ça y est, il gratte à la porte. C’est un de nos jeux préférés. Gratter et miauler pour nous susurrer notre envie de ronronner. Il gratte. Il gratte. Et maintenant il miaule. Mais quel fauve est là, tapi ? Je suis incapable de parler. Il miaule. Il miaule. Des miaulements maintenant étonnés, voire un peu inquiets. « ça va ? Tu ne vas pas finir la nuit là ? » Une voix normale. « Sors, faut que je te raconte ! Il est incroyable cet appartement. Il y a deux timbrés déguisés qui se courent après dans la cave en hurlant ! On entend tout, comme si on y était ! »