Addiction

Depuis quand suis-je accro ? Je ne sais pas bien, mais je crois que ça a toujours fait partie de ma vie. J’ai d’ailleurs mis très longtemps à comprendre que j’étais accro. C’est cette petite phrase de mon ami François, lancée alors que nous étions étudiant, que j’ai entendue résonner dans ma tête tellement de fois, qui a fini par me faire prendre conscience de mon addiction. Mais c’est très récent. Aujourd’hui, j’ai plus de 50 ans et j’en avais à peine 20 quand il l’a prononcée : « Véro, tu sais, c’est pas très sexy ce fromage qui pue dans ton frigo ».

Ben oui, je l’avoue, je suis accro au fromage qui pue. Bien que depuis quelques temps, j’ai de plus en plus de mal à l’apprécier. Mais d’où ça vient et depuis quand, c’est vraiment difficile à dire. Il faudra que j’en parle à ma mère.

Sur la grande table familiale, jamais un repas sans fromage. Sacrilège ! Comme si c’était un héritage des générations précédentes. Et un précieux héritage ! Combien de fois ai-je entendu « Tu es bien une Doucet, tu aimes le fromage toi ! » ? Au moins autant de fois que les gourous des régimes m’ont répété :
« Arrêtez le fromage, Madame, ça fait grossir. »
« Je voudrais bien, Docteur, mais je ne peux pas. Toujours j’y reviens. Comme si c’était vital. Mon oxygène, quoi ! ».
« Et bien tant pis pour vous Madame. Vous resterez avec vos kilos en trop. ».

Oui, mais c’est pas sexy il dit mon ami François. Vous croyez que c’est pour ça qu’on a tous du mal, dans ma famille, à trouver l’âme sœur ? (Hommes et femmes sans distinction d’ailleurs). Est-ce que quelqu’un saurait me dire s’il y a un lien prouvé entre le degré d’amour du fromage et celui pour son prochain ? Ou plutôt le degré d’amour du fromage et le degré de répulsion du prochain envers soi ? C’est une vraie question, vous ne trouvez pas ? Et entre le niveau d’odeur et le degré de répulsion ? Il faut dire que plus ils puent, plus je les aime ! Je vous rassure, ce n’est pas pareil pour mon prochain. Et toutes les pièces rapportées que j’ai vu arriver dans notre famille étaient toutes odorifèrement parlant correctes. Donc voilà un premier point démontré, aimer le fromage qui pue ne signifie pas aimer les gens qui puent.

Mais je m’égare un peu. Depuis quand suis-je accro ? Depuis toujours. Ma mère, dès mon sevrage, me faisait gouter toutes sortes de laits transformés : Roquefort, Cabécou, Picodon, Chaource, Banon, Crottin, Comté, Reblochon, Fourme d’Ambert, Saint Nectaire, Langres, Époisses, Mont d’Or, Camembert… Tous ces fromages, mon Dieu, que c’est bon ! A la fois ma madeleine et mon Tour de France. Mais quelle haleine ! En grandissant, j’ai rajouté le vin qui va bien et le pain croustillant. Et me voilà barrique ! Une barrique addict.

Mais vous dites ? C’est beau une belle femme épanouie ? Et oui c’est nouveau, et c’est vraiment beau.  Mais ça ne me va pas du tout cette histoire ! Toute une construction qui s’effondre ! Vous croyez que c’est pour ça que je n’aime plus tant le fromage que ça ?

Proposition : « Depuis quand suis-je accro ? »  Choisissez une addiction. Embarquez-vous avec votre personnage qui écrit « je » dans un questionnement où « Tout était à la fois brumeux, précis et détaché » pour dérouler les fils de cette « accromania ».

Atelier d’écriture du samedi matin : Au fil des mots et des couleurs