
Panne.
Descends de la voiture, soulève le capot, prends la manivelle. Remonte tes manches et relance la machine. Tourne vigoureusement la manivelle. Trop mou, trop mou ça ! Trop peur de te casser le pouce, le poignet, la main, le bras. Je comprends mais je suis gelée. La fraicheur de ce début d’automne m’a prise de court et me glace. Allez, accélère, ta raideur dans l’épaule n’intéresse personne. Redémarre bougresse ! Arrête de jouer les chochottes. Tu auras bien le temps de te lamenter dans tes charentaises quand tu seras à la retraite. Flûte, j’abandonne. Je m’assois sur le talus qui borde le ruban sinueux de macadam et je regarde la carcasse de l’engin venu d’un ancien monde. Ce n’est pas avec ce tas de ferraille qu’ensemble nous irons plus loin. Deux carcasses réunies, aussi rongées l’une que l’autre.
Je m’allonge sur les feuilles recouvrant mon promontoire et je ferme les yeux. Je sens l’humidité remonter dans mes articulations, les muscles de mes fesses se contractent. Je vais attraper la crève, c’est certain et c’est tant mieux. Je tousserai pendant des semaines et j’évacuerai ainsi le mal qui me ronge. La grande purge. Ma grand-mère dirait « soigner le mal par le mal » et c’est à ces paroles que mon grand-père aurait pris un coup de rouge. Posée en arbitre sur la frontière incongrue forêt-goudron, je m’endors dans le bruissement des arbres. Ils racontent une histoire à bas mots qui vient se faufiler dans la caverne de mes oreilles. Avec une insondable délicatesse ils se penchent sur mon corps abandonné et portés par la brise les branchages le caressent tout en s’ébrouant pour qu’en mille rubans d’argent les gouttelettes paresseuses installées sur le feuillage s’écoulent doucement. Je dors et je ris. Ils me nettoient, se faufilant dans tous mes replis ; ces coquins filets d’eau viennent chatouiller toutes mes ténèbres et mes mystères. Dessus, dessous, dedans. L’eau. Rien pour l’arrêter. Elle profite de chaque ouverture, chaque pore pour s’introduire et emporter les parasites sur son passage. Douceur et détermination. Elle passe et repasse, jamais lassée. Puis s’efface. Derrière elle, juste l’éclat de l’origine retrouvée. Purifiée.
Le cerf brame au fond du bois. Amour. Sursaut. Mes paupières lourdes se soulèvent péniblement. Un rayon de soleil vient heurter le cœur de ma pupille. Je me redresse, le tas de ferraille devant moi a repris les couleurs du charme de sa belle époque. Je me mets en marche pour rejoindre le village voisin, à quelques kilomètres de ma pause impromptue. J’y retrouverai François, mon ami bricoleur. Il s’extasiera une fois de plus devant les géniaux inventeurs de ces deux belles mécaniques, Benz et Dieu. Et je chanterai. L’Amour.
Nice, Béné!
il faut un point-virgule après brise, je crois. Sinon, très cool à lire 👍
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Merci Ralph 🙂
Pas de point virgule pour moi après brise, ce sont les branchages qui sont portés par la brise. Mais la phrase est sans doute un peu longue 😉
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