
À l’issue triomphale des longues périodes de rechute cloitrée dans sa solitude asphyxiante, hurlant son désespoir qu’aucune oreille ne tolère recueillir,
comme les promenades, même à quelques mètres des quatre murs blancs de la chambre d’hôpital où elle mène ses combats contre l’ennemi sournois,
ô comme ces promenades y compris celle qui ne conduit qu’au sommet des quelques marches devant lesquelles se déroule le chemin caillouteux qui zigzague dans le jardin à l’herbe rase,
comme ces promenades, se dit-elle, se doivent d’être fêtées comme l’on fêterait un traité de paix entre deux peuples ennemis.
Elle se souvient de chacune de ses solitaires batailles contre le fourbe soldat dissimulé dans les tréfonds obscurs de ce corps entravé dans une camisole, perclus de la douleur de la séquestration,
le félon surgissant à l’improviste dans un repli inattendu de son organisme en détresse, déclenchant les plus atroces souffrances et la désespérance,
ce traitre victorieux d’une nouvelle bataille la contraignant à abdiquer encore et implorer, un genou à terre, un accord de cesser le feu pour rassembler forces et souffle pour s’astreindre, repliée sur elle-même, à construire la stratégie contre le prochain assaut.
Le mal l’habite toute entière depuis maintenant longtemps ;
elle a eu beau tenter de dire son besoin de liberté et d’amour, ses monts sont restés sans écho,
et la graine du mal plantée comme un gène récessif qui un jour trouve sa paire, la graine a germé, s’est installée, déployée,
la bactérie vénéneuse a pris possession de son corps et de ses pensées et c’est elle qu’elle qui lui a offert le plus bel environnement pour exploser, sans prévenir, sans une explication, sans la moindre revendication ; un attentat qui laissera des séquelles sur toutes les filles à naitre dans la lignée, inquiètes de voir surgir en elles l’ombre menaçante d’un passé enterré honteux, nié.
Aucun mot pour décoder ce mal : l’ennemi jamais nommé est fantôme insaisissable. Violeur des âmes, il ravage en ne laissant derrière lui que ruines vierges de toute empreinte, aucun indice pour prédire la prochaine apparition. Juste le souvenir des hurlements de terreur ou de colère de la victime, sa raison torturée jusqu’à la perdre, chaque échappée sereine massacrée par une insinuation nauséeuse, chaque envolée insouciante d’un réveil apaisé clouée au sol par une pointe acerbe.
Peut-on vaincre un ennemi non déclaré, fuyant et rampant ? Quel mur infranchissable construire qui soit insensible à son stratagème venimeux et à son arsenal d’armes mortelles ? Quelle sortie emprunter pour semer le poursuivant d’une lignée maudite harcelée par l’invisible ? Un mot ? Et si ce n’était qu’un mot ? Un mot pour une sortie de route menant à la délivrance ? Un mot qui réhabilite, un mot qui ouvre au déferlement de mille et encore mille autres, le mot qui rompt l’enfermement. Le mot qui autorise et restaure.
Alors parle.