
Il tient dans le sac à main de la femme coquette ou dans la poche arrière du pantalon de l’homme sportif. Il est précieux il suit partout la femme coquette qui tient son petit sac enfilé à l’épaule serré contre sa poitrine, il souligne la fesse musclée de l’homme sportif. Il prend la place du téléphone, il le remplace en mieux, en plus grand, dans le cœur et dans la vie de ceux qui l’adoptent.
La couverture est à la fois rigide et souple, dans un de ces matériaux intelligent dont la mémoire s’adapte à l’environnement. Une couverture souple et protectrice translucide et teintée couleur d’humeur. Humeur d’antidote ou humeur d’unisson au gré du besoin du porteur.
C’est un livre source, un livre ressource. Toujours à portée demain, il se tortille et surgit au moment précis où il a besoin d’être ouvert. Il se glisse dans la main surprise qui par réflexe appelle la deuxième pour l’ouvrir et s’arrêter sur la bonne page. Celle à lire maintenant.
C’est un livre compagnon aux pages inépuisables. Il a commencé son chemin dans la poche du doudou kangourou de l’enfant nouveau né, il se laissera emporter sous la terre sagement déposé entre les mains du mort qui repose dans son cercueil. Un livre à soi et à personne d’autre sauf nommément couché sur un testament. Un leg officiel.
C’est un livre que nos descendants trouveront dans des millions d’années. Il racontera notre civilisation, l’avancement de nos inventions, celui de nos intentions. Notre pensée, notre corps, notre âme, notre cœur d’humain.
C’est un livre aux mille feuilles plus fines que du papier bible, plus résistantes que toute matière indestructible sauf par l’abandon volontaire de son propriétaire. Ecrit gros pour les petits et tout petit pour les intellos.
Dans ce livre je raconte le monde universel, la grande Histoire et la petite. Celle de chacun qui est aussi celle de tous. Naître et mourir, grandir et vieillir, rire et pleurer, manger et dormir, enfanter et assassiner, lutter et se résigner. Livre des solitudes et des tourbillons, des désespoirs et des ambitions, des déceptions et des victoires.
Je raconte comme l’historien décode, comme le romancier emporte, comme le poète insuffle, comme le philosophe explore, comme le conteur déploie. Et tout à la fois. Un livre d’étapes dans un sens ou dans l’autre et même dans le désordre pour grappiller quelques mots ou défier une longue insomnie.
Ce livre vient pour s’enfuir, se cultiver, oublier, prier, chanter. Pour comprendre l’autre, pour retrouver le chemin de soi. C’est le livre que j’écris pour toi, pour vous, pour moi.
Ce livre je le commence et tu le finis. Dans ce livre, tu écris ton histoire à la page qui s’ouvre. C’est la bonne page chaque jour et chaque page est aussi longue que les mots que tu y dépose. Mots d’amour, maux de l’âme, mots de consolation, bons mots d’anniversaire, jeux de mots parfois vulgaires, discours entourloupe, mensonge délétère.
Parlons. Raconte tes histoires, imagine ta vie. C’est un livre confident, un livre expérience. il se nourrit de toi et affine ses couleurs ; à la fin du chemin il sera ton arc-en-ciel, la plus juste nuance de toi.
Œuvre collective, reflet infini de l’infini, ton petit livre arc-en-ciel nourrit mon manuscrit dans son étui qui lui aussi opère sa mue. L’historien, le romancier, le Poète, le philosophe, le conteur et toute la polyphonie des plumes à l’œuvre complètent leur partition des paroles du monde. Le livre en fil continu se métamorphose.
Lorsque le dernier contributeur s’éteindra il emportera avec lui ce qui façonna l’histoire d’une civilisation et de son auto-destruction.
Dans mes rêves les plus fous, ce livre est immortel et traîne dans tous les sacs et toutes les poches pour l’éternité.