Histoire d’une histoire

C’est l’histoire de l’éternité ou peut-être plutôt l’histoire d’une histoire qui a pris la perpétuité.
Un jour un séisme. Destruction brutale, destruction totale. Mais pas complètement. Il reste un bout de vie. C’est qu’il reste un bout d’espoir.
C’est à la fois triste et beau.

A perpétuité. Pour l’éternité. Infiniment mêlées, tristesse et beauté. Un avant perdu à tout jamais, un nouveau lumineux qui n’existerait pas sans la perte de l’ancien. En économie ça s’appelle innover et progresser. En humanité, on le nomme faire le deuil et se réinventer.

Il y eut un soir, il y eut un matin, entre les deux un trou noir. Plusieurs trous noirs.  Celui de la perte. Celui du désespoir. Ceux des renoncements. Celui de la douleur. Ceux des larmes qui n’en finissent plus. Ceux des épuisements et des incompréhensions. Ceux des hasards qui fauchent. Ceux des découragements.

Des multitudes de trous noirs. Et des traits de lumière. Des regards. Puis des sourires. Des mains, des rires, des fêtes. Une feuille blanche, un stylo. Des émotions. Un cahier. Des pages et des pages noircies. Des révélations, des explorations. Des rencontres, des retrouvailles. Des mots, des paroles, des embrassades. Des respirations, des soupirs, du soulagement. Un livre.

C’est une histoire sans fin,
triste et belle.

Chaque jour, plusieurs fois par jour, elle s’incruste dans une famille, des vies, des cœurs. Elle se répand, violemment ou insidieusement. Elle détruit toujours. En première partie. Mais elle se repentit presque toujours dans les suivantes. Grâce à l’humanité de tous ceux qui souffrent, chacun dans la singularité de leur proximité, de leur présence et de leur lien.

C’est une histoire qu’on ne choisit jamais de démarrer mais qu’on accepte de poursuivre. Parce qu’il n’y a pas d’autres choix si ce n’est celui de crever. Il y a des jours sans courage où l’on est tenté de capituler. Pourquoi lutter quand l’envie n’est plus là. Parce que regarde dehors l’été revient avec ses fruits savoureux et ta peau dorée. Que me racontes-tu là, tout ça n’est rien.

Et un jour tu te surprends à croquer une cerise ventrue qui explose entre tes dents, le jus rouge gicle de ta bouche, tache ta robe neuve et tu ris, tu ris en t’étouffant et crache partout le liquide vermillon qui manque de t’enlever cette vie si précieuse à laquelle à nouveau tu tiens tant.

Tu as gagné la partie. Ou au moins une manche décisive. Et peut-être plusieurs. Bientôt même l’hiver le plus sombre trouvera grâce à tes yeux. Qui que tu sois.

Cette histoire est triste et belle. Tu deviens autre mais tu deviens. Avec une force nouvelle inscrite en toi.


L’histoire d’un histoire
Une histoire universelle
L’histoire du deuil, du sens et de la renaissance.
Inconcevable hier. Ancrée aujourd’hui.


Chacun son chemin, chacun son bâton, chacun ses auberges, chacun son carburant.
Pas deux chemins identiques mais de multiples inspirations.

Dans cette grande maison aux volets bleus au bord de l’océan, après avoir gravi tant de parois abruptes, cru maintes fois être parvenue au sommet, avoir hurlé ma douleur et ma colère sur la crête avant de repartir à l’assaut de la prochaine cime, j’ai enfin trouvé mon amarrage. Dans cette demeure j’ai déroulé mon fil et même si depuis j’ai traversé encore quelques tempêtes, j’ai fini de retracer l’histoire. Il me reste la suite. Elle sera belle. Comment en douter maintenant.

L’inconcevable merci.